L’influence responsable abolira-t-elle la surconsommation ?

Le marché de l’influence devrait atteindre 22 milliards en 2024. Une aubaine pour des marques et les influenceurs en pleine révolution écologique et responsable. Mais derrière ce pivot stratégique se cache toujours les habitudes d’un modèle économique à bout de souffle.

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Le marketing d’influence à la recherche d’un renouveau

Méga Haul H&M ou Zara, promotions fréquentes de nouveaux produits, déballage xxl de produits reçus gratuitement, les influenceurs sont devenus en quelques années les alliés commerciaux privilégiés des marques. En 2023, 59 % de personnes affirment que les influenceurs leur permettent de découvrir de nouveaux produits et services selon une étude menée par Reech. Tandis que 41 % utilisent les influenceurs comme point de comparaison pour un achat. Ces chiffres reflètent donc le poids croissant des influenceurs dans les actes d’achat des consommateurs qui les suivent.  Seulement, ces influenceurs par leur activité économique amplifient un phénomène qui est la surconsommation. 

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En 2019, la marque de vêtements Don’t Call Me Jennyfer appuie son nouveau positionnement en collaborant avec Lena Situations. La collection trouve un écho auprès de l’audience de Lena grâce à des prix abordables. Néanmoins, Jennyfer reste une marque de fast fashion et fait partie de l’industrie la plus polluante du monde. 

C’est pour cette raison que les influenceurs doivent réfléchir à leur impact dans un monde où les enjeux écologiques sont très importants. En plus, leurs modes de vie entretenus par ces partenariats continuent de préserver un monde basé sur la destruction des ressources de la planète. 

«Les influenceurs sont des personnes considérées comme normales, qui ont réussi leur vie en perçant sur les réseaux sociaux. Cette réussite leur permet de vivre une vie de rêve grâce à des moyens financiers présentés comme illimités. Leur activité est donc, par essence, difficilement conciliable avec les enjeux écologiques», souligne Stéphanie Lukasik, docteur en Science de l’Information et de la Communication dans un article de Slate.

Les influenceurs ont ainsi deux problématiques qui se présentent à eux. La première, repenser leur activité pour se tourner vers des marques plus vertueuses. La deuxième, repenser leurs modes de vie et leurs impacts sur la société. 

Dans ce contexte, une nouvelle forme d’influence voit le jour : l’influence responsable.

L’influence responsable, entre conviction et contradiction

Fini les partenariats avec les marques non respectueuses de l’environnement, fini la promotion d’un mode de vie néfaste pour la planète. 

En 2019, EnjoyPhoenix dévoile une vidéo sur sa chaîne YouTube dans laquelle elle annonce ne plus vouloir recevoir de produits gratuits de la part des marques. Un tournant salué par ses abonnées dont l’une d’elle écrit: 

« Et hop tu gagnes une nouvelle abonnée ! 

Marre des YouTubeuses qui s’extasient devant des coffrets auxquels on n’aura jamais accès dans le commerce. 

Marre de la surconsommation.

Marre de l’excès des marques qui vous poussent à nous exposer tous les produits dans nos faces, comme si on n’en n’avait pas…»

Benjamin Martinie un influenceur voyage a pris la décision d’arrêter les voyages en avion sachant que ses revenus dépendaient de ses collaborations avec les compagnies aériennes. Aujourd’hui, il se positionne comme un voyage à bas carbone en privilégiant des moyens de transport comme le train et le tourisme plus local. 

Cependant, cette prise de position n’est pas suivie par tous les influenceurs qui craignent une perte de revenus et un pivot stratégique. Le changement pour une influence plus responsable vient aussi des marques qui veulent préserver leur image face à des consommateurs de plus en plus engagés. C’est pour cette raison que l’ARPP a lancé une certification influence responsable. Grâce à une formation de trois heures, les influenceurs s’imprègnent de sujets comme le dérèglement climatique ou encore le greenwashing. 

« L’objectif est de les amener à s’interroger sur les produits qu’ils mettent en avant, sur les conditions de travail des personnes qui les fabriquent, les ressources que cela mobilise, sur le cycle vie du produit, son recyclage… », développe Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’ARPP dans un article des Echos. 

Avec la naissance de ce nouveau paradigme, la question est de savoir si l’essor de l’offre responsable fera reculer la surconsommation ? Parce que oui, le paradoxe subsiste.

Nous vivons dans un monde régi par un modèle économique capitaliste. Ce qui signifie que les marques même celles qui se veulent engagées ont pour objectif d’être rentables en vendant leurs produits. Une activité bien que se voulant noble alimente malheureusement un système à bout de souffle.

Les secteurs de la mode, des cosmétiques/beauté, du voyage, ou encore de la décoration font partie du top 10 des sujets suivis par les utilisateurs selon l’étude de Reech. Des secteurs sous l’œil des consommateurs à cause de leur impact environnemental. Comme évoqué plus haut, Benjamin Martinie a opéré un changement stratégique pour être aligné avec ses convictions. Un tournant positif puisque aujourd’hui, ses prises de position lui ont permis de gagner plus d’abonnés. Enjoy Phoenix après sa vidéo tournant le dos aux produits gratuits, a dressé le bilan un an plus tard, évoquant des marques distantes depuis sa prise de position. Aujourd’hui, l’influenceuse est propriétaire de marques responsables. Que ce soit pour Benjamin comme pour Enjoy Phoenix, le tournant responsable a surtout été un changement dans la manière de consommer. 

Même constat dans le milieu de la mode où des influenceurs responsables prônent un retour aux produits de seconde main. Comme le témoigne Elsa dans un article de Slate «j’ai tendance à consommer plus depuis que j’achète de la seconde main, assume Élea, parce que c’est moins cher et éco responsable». Un paradoxe selon Stéphanie Lukasik qui explique que «c’est pour cela qu’il y a un véritable paradoxe à prôner une influence green qui serait fondée sur un modèle de non consommation, car il y a toujours une certaine incitation à consommer »

Quel avenir pour l'impact de l'influence ?

Le tournant qui s’opère pour les influenceurs et les marques nous invite à repenser plus profondément notre modèle économique. La multiplication et la promotion d’offres dites “responsables” ne ralentissent pas le réchauffement climatique tant que des mesures politiques fortes ne lutteront pas pour endiguer le problème. Bien que le rapport du GIEC d’avril 2022 cite les influenceurs comme levier pour faire évoluer les mentalités, ceux-ci restent les pièces d’un puzzle qui demande à être résolu.

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Dalia

Je suis Dalia alias Femme de l'Ombre et j'écris des articles sur les marques et leur place dans notre imaginaire collectif.

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