Chrysler, Détroit & 3 leçons de storytelling

En 2011, Chrysler retient l’attention de tout un pays grâce à leur publicité « Imported from Detroit » (Importé de Détroit) pendant l’événement sportif le plus regardé au monde.

Avec l’aide d’Eminem, Chrysler dévoile deux minutes d’émotions fortes, deux minutes de storytelling que je vais vous expliquer.

Table des matières

Le destin croisé : l'industrie automobile et Detroit

Nous sommes au début de l’année 2011 lorsque le Superbowl a lieu et deux ans plus tôt, Chrysler déclarait faillite avant d’être soutenu financièrement par le gouvernement américain avant de céder 35 % de l’entreprise à FIAT. Cette descente aux enfers n’est que le reflet d’une industrie automobile américaine déclinante, plombée entre autres par la concurrence étrangère. En 2009, le président Obama encourageait ainsi les Américains à acheter des voitures faites aux États-Unis.

Des voitures qui à une époque provenaient majoritairement d’une ville : Détroit. Grâce à ce boom économique porté par l’industrie automobile, la ville comptait 1.85 millions d’habitants dans les années 50. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 637.641. L’une des raisons fut la migration d’une partie de la population dans les banlieues proches de la ville comme Sterling Heights dans les années 60. Les constructeurs automobiles empruntèrent le même chemin, privant Détroit d’une bonne partie de son dynamisme économique.

C’est dans ce contexte qu’en 2011, Chrysler décide de présenter son nouveau modèle de berline la luxueuse Chrysler 200 lors du Superbowl. Mais, au lieu de se focaliser sur la voiture et ses attributs, la marque a choisi de communiquer sur une valeur forte : la fierté (d’être de Detroit).

La communication par les valeurs

"Je pense qu’il y a une tendance fondamentale, non seulement dans l’industrie automobile, que les gens achètent des produits, mais aussi des valeurs..."

Quels sont les éléments qui ont fait de cette publicité un excellent storytelling

  • Tout d’abord, les héros de cette histoire sont la ville de Détroit et ses habitants. La juxtaposition entre le discours et les images nous renvoient toujours à la notion d’accomplissement, de fierté et de résilience. La marque se place en guide (au sens figuré et littéral), nous permettant d’aller à la rencontre des rues de la ville et ses monuments emblématiques avec pour chauffeur le rappeur Eminem. Je vais expliquer plus bas la raison qui a poussé Chrysler à le choisir comme égérie malgré son passé sulfureux.
  • La voix de Kevin Yon captivante et pleine d’orgueil qui nous délivre ce discours lui aussi empreint de fierté :

« I got a question for you. What does this city know about luxury? What does a town that’s been to hell and back know about the finer things in life? Well, I’ll tell ya. More than most. You see, it’s the hottest fires that make the hardest steel. Add hard work and conviction and the know-how that runs generations deep in every last one of us. That’s who we are. That’s our story. Now it’s probably not the one that you’ve been reading in the papers — the one being written by folks who have never even been here and don’t know what we’re capable of. Because when it comes to luxury, it’s as much about where it’s from as it is who it’s for. Now, we’re from America. But this isn’t New York City or the Windy City or Sin City. And we’re certainly no one’s Emerald City. »

La traduction en français :

« J’ai une question pour vous. Qu’est-ce que cette ville sait du luxe? Qu’est-ce qu’une ville qui a vécu l’enfer et qui en a fait l’expérience sait des plus belles choses de la vie? Eh bien, je vais vous le dire. Plus que la plupart. Vous voyez, ce sont les feux les plus chauds qui font l’acier le plus dur. Ajoutez à cela le travail acharné, la conviction et le savoir-faire qui sont au cœur de chaque génération. C’est ce que nous sommes. C’est notre histoire. Ce n’est probablement pas celui que vous avez lu dans les journaux — celui écrit par des gens qui ne sont jamais venus ici et qui ne savent pas de quoi nous sommes capables. Parce que quand il s’agit de luxe, c’est autant d’où il vient que pour qui il est. Maintenant, nous sommes d’Amérique. Mais ce n’est pas New York, Windy City ou Sin City. Et nous ne sommes certainement pas Emerald City. »

À 00:43, les notes de Lose Yourself d’Eminem se dévoilent ainsi que son interprète. Alors, pourquoi avoir choisi Eminem ? Lose Yourself est un titre à propos de la résilience et le courage pour faire face à l’adversité dans la réalisation de ses rêves. Cela correspondait aux valeurs véhiculées par la marque pour cette publicité. Proche de Dr. Dre, Eminem aurait pu déménagé pour s’installer à L.A., mais, il ne l’a jamais fait. Détroit est resté son lieu de vie principal. En le choisissant, Chrysler appuyait la valeur de la fierté. Eminem est l’enfant du pays qui a réussi mais au lieu d’aller vivre à Los Angeles a choisi de rester. Lose Yourself est la bande originale du film 8 Mile qui s’inspire de sa vie à Detroit avant d’être célèbre.

Le message : le fleuron de l’industrie automobile (Détroit) n’est pas mort, il est encore capable de produire des voitures américaines de qualité pour les Américains.

Les valeurs plus que le produit oui, mais pour quels résultats ?

« Selon Edmunds.com, le site d’auto-shopping, la considération pour Chrysler a augmenté de 87% par rapport à la moyenne de la marque sur le site au cours des quatre semaines avant le jeu, beaucoup plus élevé que les autres annonces de voiture. Cette hausse a été en partie portée par l’intérêt des consommateurs dans la Chrysler 200 augmentant de 463% après le match du Super Bowl. » source Prophet.com

Sous les vidéos YouTube, plusieurs personnes originaires de Détroit affirment que la publicité leur a permis d’être fières de leur ville. Un reportage d’une chaîne locale recueillait les mêmes propos : les habitants étaient heureux de voir leur ville sous un angle plus positif, l’espoir de nouvelles opportunités économiques pour la ville. Du marketing territorial plus ou moins indirect de la part de Chrysler. Pour le client potentiel vivant à Détroit ou pas, l’idée qu’il puisse contribuer à la renaissance de l’industrie automobile était attrayante. L’ultime acte patriotique. Et petit à petit, les ventes ont suivi.

« Avant la publicité, en janvier 2011, Chrysler n’a vendu que 788 unités. En février, elle a vendu 2 342 unités; en mars, elle en a vendu 6 750 et en avril, 8 274. Le meilleur mois pour la Chrysler 200 l’année dernière a été Octobre, avec des ventes de 11,205 unités. Pour l’année, les ventes de la Chrysler 200 ont augmenté de 127 pour cent par rapport aux ventes de Sebring pour 2010. Globalement, les ventes de marque Chrysler ont augmenté de 12 pour cent en 2011, mieux que l’industrie dans son ensemble, qui était en hausse de 10,3 pour cent. » source Forbes

Et les trois leçons de storytelling à retenir...

Pourquoi adopter le storytelling ? Comme nous venons de le voir, un bon storytelling est un moyen d’avoir plus d’impact dans les actions de communication et plus de ventes. Et le but n’est pas de parler uniquement de votre entreprise. Pour parvenir à construire un bon storytelling, vous pouvez vous poser les questions suivantes.

  1. Trouvez une cause et des valeurs que vous partagez avec vos clients. Qu’est-ce qui préoccupe vos clients ? Qu’est-ce qui les tient à cœur ? Contre quoi ou qui se battent-ils ?
  2. Définissez un message simple pour votre communication. Que souhaitez-vous que vos clients actuels et potentiels retiennent ?
  3. N’oubliez pas que votre entreprise n’est pas toujours le héros de l’histoire. Il est important de trouver le rôle que vous jouez dans la vie de vos clients. Qu’est-ce que vous leur permettez d’accomplir, d’être ou de devenir ?
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Dalia

Je suis Dalia alias Femme de l'Ombre et j'écris des articles sur les marques et leur place dans notre imaginaire collectif.

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